Anne-Dauphine Julliand : “La simplicité des mots est souvent l’une des grandes clés de la consolation”
Anne-Dauphine Julliand est auteur de Deux petits pas sur le sable mouillé et d’Une journée particulière. Elle est également réalisatrice du film Et les Mistrals gagnants et membre du comité scientifique d’HELEBOR. Voici un entretien dans lequel elle revient sur son dernier livre Consolation.
Anne-Dauphine, pourquoi avez-vous décidé de publier ce livre aujourd’hui ?
J’ai décidé de publier mon livre aujourd’hui comme j’aurais pu le faire à un autre moment. Je pense qu’il résonne tout particulièrement en cette période. Pour moi, il y avait un impératif personnel, et plus que personnel, à parler de la souffrance et de la consolation : c’est un lien absolument indispensable dans la vie de toute personne et dans la société. On s’aperçoit à quel point il est toujours compliqué de consoler.
Pourquoi avoir choisir le titre “Consolation” ?
Parce qu’il n’y a rien de plus simple que ce titre-là et qu’il dit la réalité de ce qu’est mon livre. Toute l’importance de la consolation et souvent de la souffrance est de dire les choses telles qu’elles sont avec simplicité. On a tendance à enrober, à essayer de montrer la réalité plus jolie ou plus regardable. Alors que lorsqu’on s‘approche de quelqu’un qui souffre et que l’on veut exprimer sa souffrance, la simplicité des mots est souvent l’une des grandes clés dans cette consolation. J’ai voulu avoir ce titre le plus simple et le plus expressif possible.
Que souhaitez-vous dire aux personnes malades et aux familles éprouvées à travers votre livre ?
Ancrée dans mon expérience, j’ai réalisé que le scandale n’est pas la souffrance elle-même ; elle fait partie de nos vies quoi que l’on fasse.
La souffrance fait partie de la vie parce qu’on aime. Et quand on vit on aime. Quand on voit mourir des personnes que l’on aime, la souffrance est là : on ne peut l’empêcher et on ne pourra pas s’empêcher d’en souffrir. Et heureusement que l’on en souffre : c’est la plus grande preuve d’amour que cette souffrance. Le scandale de la vie est la souffrance quand elle n’est pas consolée.
« L’enjeu est d’arriver avec le cœur ouvert pour se mettre au diapason de la personne qui souffre et l’inviter à cette relation. »
Chacun a une responsabilité et la possibilité individuellement d’apaiser la personne qui souffre. Non de gommer sa souffrance, parce que consoler ce n’est pas faire s’envoler la souffrance comme un coup de baguette magique (d’ailleurs, il n’y a pas de formule toute faite), mais c’est rendre cette souffrance supportable et l’apaiser.
Toute souffrance peut être consolée, même s’il faut parfois une vie pour consoler. Ce n’est pas un moment définitif. La consolation, c’est se retourner sans arrêt, la consolation est une relation.
Souhaitez-vous partager quelque chose avec nos lecteurs ?
La souffrance et la consolation sont totalement universelles. C’est ce qui m’a le plus apaisée quand je me suis plongée dans ce “décorticage”.
J’ai vécu une épreuve qui est extrêmement singulière heureusement : la mort de mes deux filles… c’est quelque chose qui est rare de perdre deux enfants et qui pouvait me donner l’impression d’être seule. C’est un sentiment que l’on peut ressentir dans bien d’autres souffrances.
Faire l’expérience de la consolation et de la souffrance m’a fait réaliser à quel point cette peine et cette épreuve étaient singulières, mais je sais que la souffrance que j’éprouve est commune.
Cette souffrance n’appelle qu’une seule chose : la consolation.
Il y a beaucoup de peurs quand on veut consoler : la peur de “se frotter” à la souffrance de l’autre. Je l’évoque aussi à propos des soins palliatifs, dans ce bout de la vie qui nous effraie parce qu’on voit l’autre souffrir et qu’à ce moment-là on projette sa propre vie. Cela me met également face à mes fragilités de voir la souffrance des autres.
L’enjeu est d’arriver avec le cœur ouvert pour se mettre au diapason de la personne qui souffre et l’inviter à cette relation.
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