Covid-19. Témoignage du Docteur Laure Copel
La période qui vient de s’écouler a été très particulière pour tous les services hospitaliers.
Dans l’établissement où je travaille, les services de chirurgie se sont transformés en une semaine pour devenir des unités médicales très spécialisées dans la prise en charge des patients atteints de Covid ; les salles de réveil des blocs opératoires ont été transformées en réanimation (portant ainsi la capacité d’accueil des patients ventilés de 9 à 32) ; les brancardiers se sont occupés d’une chambre funéraire partiellement installée dans un camion réfrigéré pour augmenter la capacité d’accueil… en somme, nombreux sont les professionnels de santé qui ont dû radicalement changer de métier.
En ce qui concerne notre unité de soins palliatifs, nous avions décidé de ne pas trop modifier notre travail, afin de libérer les urgences et les médecins libéraux des suivis palliatifs toujours complexes et chronophages. Nous avions simplement décidé de nous organiser pour accueillir ces patients 24 heures sur 24.
Finalement, rien ne s’est passé comme nous l’avions imaginé.
Tout d’abord, notre unité – qui n’était pas destinée à accueillir des patients Covid – a rapidement été confrontée au fait que les patients hospitalisés dans le service pouvaient eux aussi être contaminés. Mais chez ces patients très fragiles, les symptômes d’entrée dans la maladie semblaient un peu différents, sans fièvre initiale, et s’accompagnaient fréquemment de confusion. Il y a donc eu quelques journées pendant lesquelles nous n’avons pas su faire le diagnostic d’une maladie que nous connaissions si mal, et comme les masques manquaient, les équipes ont pris soin de ces malades sans protection.
En quelques jours, nous nous sommes adaptés. Nous avons testé tous les patients du service et pu partager le service en deux zones : la première à haute densité virale avec des protections pour les soignants (très difficile d’avoir des surblouses pendant quelques temps) ; la deuxième à basse densité virale pour des patients non suspects.
Malheureusement, ces quelques journées du début de la « vague » ont été très délétères pour la santé du personnel : plus de la moitié de l’équipe est tombée malade dans les 15 jours qui ont suivi, sans forme grave par chance !
Ce qui fut particulièrement difficile a été de devoir limiter nos soins uniquement à la technique, en renonçant à tout ce qui donne de la vie dans ce moment si important (…)
Ensuite, nous avons encore dû faire preuve de beaucoup de créativité pour nous adapter à toute une série de problèmes successifs :
– la pénurie de matériel de protection nous a obligés à inventer toute une collection de vêtements plus ou moins adaptés pour soigner les patients contagieux
– la pénurie de certains médicaments, très utiles en réanimation mais également très utilisés en soins palliatifs, nous a obligés à revoir tous nos protocoles habituels pour privilégier la délivrance de ces molécules aux unités de soins critiques
– des symptômes de fin de vie particulièrement difficiles à soulager
– des doctrines concernant les visites aux familles fluctuantes et très restrictives, ce qui a été particulièrement difficile à vivre aussi bien pour les proches que pour ceux qui devaient annoncer des décisions heurtant nos valeurs
– lorsque les patients décédaient, les soins que nous aimons faire pour aider les proches à se séparer de leur défunt de la manière la plus douce possible ont dû être remplacés par une procédure très dure, nous obligeant à mettre les patients dans des housses sans que les familles puissent les revoir.
Ainsi, d’une manière générale, ce qui fut particulièrement difficile a été de devoir limiter nos soins uniquement à la technique, en renonçant à tout ce qui donne de la vie dans ce moment si important : les bénévoles ne pouvaient plus faire leur accompagnement, les artistes n’étaient plus autorisés à venir et certains soins de confort ont été considérés comme non indispensables dans le contexte.
Malgré tout, les équipes ont continué à faire leur travail avec toute leur humanité. Les retours que nous avons des familles montrent que ce désir de qualité dans le soin a été perçu.
Je dois reconnaître que nous terminons cette période très fatigués, mais également très fiers d’avoir réussi nos missions. Je tiens aussi à souligner l’impact positif de tous les gestes de reconnaissance : les applaudissements de 20 heures, les multiples gâteries reçues, les diverses attentions.
Merci à vous !
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